Les personnes auront bon dire que les journées se ressemblent, Bartholomeus ne sera sans doute jamais d’accord avec eux. Pour lui, chaque journée était particulière, par contre, tous les jeudis étaient généralement des jours maudits. Tous, sans exception. Ce jour particulièrement semblait s’acharner sur lui pour une raison qu’il ignorait totalement. Et les seules personnes à qui il en avait parlé, lui rétorquait que c’était purement mental : s’il continuait de se dire que les jeudis rien n’allait, cela arriverait forcément. Bref, on était jeudi, son toast lui avait échappé des mains – et s’était gracieusement écrasé sur la table côté beurré, merci Murphy- et il était actuellement en train de se battre avec son couteau qui préférait visiblement trouer son deuxième toast plutôt que d’étaler bien gentiment le beurre comme il était censé le faire. Seul point positif : ses voisins avaient eu l’air de comprendre qu’il n’était pas d’humeur ce matin, et avaient intelligemment aboli toute idée d’entamer une quelconque conversation avec lui, qui ce serait très certainement mal terminée. Mais pour couronner le tout, il commençait la journée avec les premières, premières dont un avait quand même réussi à lui demander si c’était bon si il lançait son sort en tenant sa baguette à l’envers. Il avait longuement hésité entre le mettre à la porte ou le laisser faire, juste pour voir ce que ça aurait fait. Puis finalement, il s’était décidé à lui dire patiemment que si il ne voulait pas finir à Sainte Mangouste, il ferait mieux de la tenir à l’endroit.

Et dans un sens, heureusement qu’il avait pris la troisième option. Parce que sinon, premièrement il aurait eu des problèmes, et deuxièmement, on lui aurait très certainement fait la morale pendant des heures lors de la réunion des professeurs. Qui avait eue lieu hier. Qui lui avait pris la moitié de son après-midi. Et tout ça pour qu’on lui dise qu’il fallait être plus pédagogique. Parce queuh la pédagogieuh était la cleeef de la réussite. Merci, il était payé pour donner cours, pas pour subir les états d’âme de ses élèves. Bon d’accord, il était quand même sensé ne pas les envoyer bouler non plus, ni les ignorer. Bref, il allait peut-être faire un effort. S’il avait la foi. Ce qui n’était pas toujours le cas, il fallait bien l’admettre. Mais ce n’était certainement pas aujourd’hui qu’il allait commencer. On était jeudi quand même. Et puis le courrier était en train d’arriver, et le hibou qui venait droit sur lui, et qu’il ne connaissait que trop bien, n’annonçait strictement rien de bon : si ses parents prenaient la peine de lui écrire, c’était très certainement pour l’enquiquiner avec une quelconque affaire familiale de la plus haaaute importance soi-disant, ou…ou pour essayer de lui dire subtilement qu’à son âge, il ferait bien de se trouver quelqu’un et que si besoin était, ils connaissaient des Sorcières de bonne famille, et blah blah blah. Tiens, le coup du mariage arrangé, jusqu’à aujourd’hui ils ne le lui avaient étonnement pas encore fait. Et il ne prendrait très certainement pas la peine de leur répondre, ou en tout cas, pas tout de suite. A vrai dire, il hésita un instant à déchirer le parchemin, et à disposer les morceaux sur son toast. Qui sait, peut-être qu’il inventerait une nouvelle saveur qui ferait fureur. Mais bon, il était un minimum civilisé, et il doutait très fortement que cela soit une bonne idée de faire ça en plein milieu de la Grande Salle lors du petit déjeuner. Il se contenterait d’en faire une boulette plus tard et de la brûler. Ou alors il s’en servirait de brouillon. Très utile aussi.

Quoiqu’il en soit, une fois le petit déjeuner terminé, le Destin sembla finir de s’amuser de lui, étant donné qu’il put gagner miraculeusement sa salle de classe sans encombre. Et le reste de la journée fut étonnement tranquille, jusqu’au moment où il vit deux sixième années se pointer dans sa salle, suivit d’ailleurs du reste de la classe, alors qu’il était presque certain d’avoir fini sa journée. Et un rapide coup d’œil dans ce qui lui servi d’agenda lui donna tort. Il avait bel et bien un cours à donner aux sixièmes. Un cours qu’il n’avait pas préparé. Et il n’allait certainement pas les renvoyer dans leur salle commune, ou trouver une excuse pour pouvoir partir. Non, il trouverait très certainement un moyen d’improviser quelque chose. Sauf que son imagination avait décidé de le déserter à ce moment précis. Très bien. Il ne lui restait plus qu’une seule chose à faire. Une chose qui allait très certainement lui attirer la haine de certains. Mais il n’allait certainement pas admettre devant eux qu’il avait complètement oublié leur cours d’aujourd’hui. Il attendit donc quelques instants, le temps que tout le monde s’installe, avant de prendre la parole.


« ▬ Rangez vos baguettes, elles ne vous seront d’aucune utilité aujourd’hui. »


Autant détruire leurs espoirs tout de suite, même s’il aurait très bien pu faire un cours pratique, il n’avait pas le courage de supporter une nouvelle fois, premièrement le brouhaha qui était présent lorsqu’il s’agissait d’apprendre, et surtout de lancer un nouveau sort, ni de ramasser à la petite cuillère ceux qui n’étaient pas assez doués pour pouvoir lire correctement un énoncé, ou qui ne savaient tout simplement pas prononcer correctement une formule. Il aurait pu très bien faire un cours théorique, mais sans avoir rien préparé au préalable, ça risquait de s’annoncer très mal. Il ne restait plus qu’une solution.


« ▬ Inutile aussi de sortir vos livres. Interrogation. Le premier ou la première que j’entends, que ce soit pour se plaindre, ou pour autre chose, je les met dehors avec un T en prime sur leur copie. Même chose pour ceux qui s’imagineraient pouvoir tricher. »


Très pédagogique tout ça.  Mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Très bien ce proverbe n’a strictement rien à faire là, il essayait tout simplement de se donner bonne conscience, sachant pertinemment que même si personne ne semblait vouloir protester pour le moment, ils n’en pensaient certainement pas moins. Promis, la prochaine fois il y regarderait à deux fois la veille son horaire. Laissant les élèves seuls face à la question du jour, il alla se rasseoir à son bureau, et refit sa queue de cheval qui avait eu tout le temps de se défaire petit à petit tout au long de la journée. Bien. Maintenant il allait pouvoir s’enquiquiner jusqu’à ce qu’ils aient fini. Il devrait donc trouver un moyen de passer le temps, autre que de regarder par la fenêtre, étant donné que si il osait relâcher l’attention, certains en profiteraient très certainement. Tiens. Il allait donc les regarder un à un en essayant de deviner à l’avance leurs points. Très mature comme occupation, mais il n’avait pas grand-chose d’autre à part ça, et griffonner sur la lettre qu’il avait reçue quelques heures plus tôt. Et ses compétences en dessin frôlant les négatifs, il valait mieux pour tout le monde qu’il s’abstienne de faire quoique ce soit.

Et mine de rien, le temps passa. Après deux sorties d’élèves forcée, merci mais il les avait prévenus, et il n’allait certainement pas laisser passer l’excuse « Mais je pensais que c’était à livre ouvert » ni le coup d’œil pas très subtil, et répété chez le voisin, il eut enfin en retour quelques parchemins, qu’il se mit en tête de commencer à corriger de suite, au moins, ce serait ça de moins à faire lors de sa soirée. Quoiqu’il en soit, une fois que la cloche retenti, alors que la plupart des élèves se levaient, il en fit de même, jetant un coup d’œil aux copies, dont une attira plus particulièrement son attention. Il chercha durant quelques instants du regard l’élève en question, avant de le trouver. Très bien. Il était temps de commencer à essayer d’être pédagogique.


« ▬Mr Lupin, vous auriez deux minutes ? »


Pour bien faire, il esquissa un sourire, celui qu’il réservait généralement aux politesses, mais ça, son cadet n’était pas sensé le savoir, au pire, même s’il le devinait, il s’en fichait pas mal, le tas de copies toujours entre les mains. Au moins, cela lui évitait d’avoir un air trop neutre, voir même plutôt désagréable vu sa mauvaise humeur passagère, après tout son but n’était pas de faire peur d’une quelconque manière à l’élève, ne sachant que trop bien que pour certains, lorsqu’un professeur les interceptait particulièrement, cela n’annonçait rien de bon.

Très bien. En fait, il aurait nettement mieux fait de rester dans son lit aujourd’hui, et qui sait, peut-être adopter cette technique pour tous les jeudis suivants. De la sorte, il éviterait peut-être quelques ennuis. Mais il n’était pas certain que la direction apprécie cette décision. Et il n’avait pas l’intention de se faire renvoyer pour si peu. Quitte à ne plus pouvoir remettre les pieds au Château, autant que cela soit pour quelque chose de grave. Mais d’amusant pour lui, sinon cela n’aurait strictement aucun intérêt. Ceci dit, il éviterait quand même de le faire, il avait déjà une assez mauvaise réputation comme ça. Il n’avait pas besoin d’empirer son cas. Soit ce n’était pas la question du jour. Non, cette dernière semblait avoir posé problème par contre à un bon nombre d’élève de cette classe. Dans un sens, plus ils auraient répondu n’importe quoi, moins il devrait s’appliquer lui sur les corrections, donc ça l’arrangeait très bien. Déjà qu’il en avait deux de moins à faire, grâce aux truffions ayant quand même essayé de tricher, finalement l’oubli, c’était pas si mal que ça. Enfin, il avait encore du temps avant de devoir affronter les copies. En attendant, il allait converser avec l’élève interpellé. Qu’il avait légèrement coupé au milieu d’une conversation avec un de ses amis. Ils s’en remettraient sans doute. Ils pourraient la reprendre dans quelques minutes.

En l’attendant, il s’était remis à son bureau, posant les copies sur son bureau, il n’allait pas non plus les porter des heures durant, et en avait profité pour croiser les bras. Ce qui était nettement plus confortable. Pour être encore mieux installé, il se serait bien mis sur sa chaise, et s’étirer, bien qu’il n’ait pas fait grand-chose de sa journée après tout, cependant, il n’était noté nulle part que cela était vu comme une certaine sorte de respect, bien au contraire. Donc il attendrait encore un peu avant de s’étaler où que ce soit et de s’étirer. Il se contenta donc de rester le dos appuyé contre son bureau, jusqu’à ce que son cadet ne le rejoigne, visiblement pas des plus rassurés. Se redressant légèrement, le blond, remarquant que son nouvel interlocuteur semblait regarder par moment sa copie, décroisa les bras, faisant un geste de la main.


« ▬ Ne vous en faites pas, je ne serai pas long. A vrai dire, à la base, compte tenu de vos dernières absences, je n’avais pas vraiment l’intention de vous noter sur cette interrogation, cependant, je remarque que vous ne vous en êtes pas mal sorti !  »


Même, comparé à ce qu’il avait pu lire chez certains, il s’en était même très bien sorti. S’était-il rattrapé ? Peut-être. Après tout, et heureusement pour lui, il avait l’air d’être le genre d’élève studieux, qui faisait généralement tout pour réussir. Et dans un sens, il l’admirait. A vrai dire, il n’était pas certain que s’il était dans son cas, il arriverait à en faire autant. Maintenant ce n’est peut-être qu’une question de volonté.


« ▬ Vous avez eu le temps de vous rattraper ? En tous les cas, si jamais vous avez besoin, ou voulez de quelconques informations supplémentaires, n’hésitez pas à venir me voir. Aussi, si vous souhaitez essayer d’avoir une meilleure note, je peux toujours vous donner un devoir qui remplacerait ce test. Même si après une première lecture et à première vue, vous avez sans doute la moyenne.  »


Si ce n’était pas pédagogique tout ça. Très bien, certains qualifieraient ça de minimum à faire. Mais il faut bien admettre que tout le monde n’y aurait pas pensé. En attendant, plus il regardait la copie de l’élève, même si tout n’était pas parfait, il y avait des éléments plus que pertinents. Bon, il n’irait pas non plus jusqu’à en chanter ses louanges et aller l’encadrer dans un coin de ses appartements non plus.


« ▬ Mh…Je sais que vous avez déjà certainement dû en parler avec votre Directrice de Maison, mais vous savez déjà ce que vous voulez faire plus tard ?  »


D’après ce qu’il avait entendu, Lupin était plutôt doué, et pour tout dire, il n’avait jamais vraiment entendu un de ses collègues se plaindre de lui. Certes, il en était autrement pour ses amis. Il regarda encore quelques instants le parchemin qu’il avait en main, avant de lever le regard vers l’élève, espérant qu’il ne prenne pas mal sa question, ce n’était pas réellement son but. Il savait, et le principal concerné aussi d’ailleurs, qu’il ne lui serait sans doute pas facile de trouver un travail dans sa condition. Peu de personnes accepteraient un lycanthrope, c’était un fait. Il avait lui-même eu énormément de mal avant de pouvoir trouver un poste.  Tout simplement parce que les personnes s’étaient généralement arrêtées sur son nom, ne cherchant pas à voir plus loin. A la longue, il s’y était fait, si bien que lorsqu’on lui avait proposé ce poste, il avait eu du mal à y croire au départ. Enfin. Ressasser ses souvenirs ne changerait certainement rien à ce qui avait bien pu se passer auparavant. Autant reporter toute son attention sur le Gryffondor, afin de ne pas décrocher de la conversation et de paraître complètement stupide.